…Et je me suis aperçu que je ne savais pas quoi négocier.
Et c’est quoi « négocier » ?
Négocier a le sens de ce travail entre deux ou plusieurs parties. L’échange est structuré et orienté par l’idée de parvenir à un accord, et / ou celle de résoudre un conflit.
Serions-nous doubles ? Doubles, non. Bien plus… Complexes.
Nous sommes structurellement complexes.
Cela n’aurait pas en soi beaucoup d’importance si nous ne mettions pas les différentes parties de nous-mêmes en rivalité, en conflit.
Qu’est ce qui fait que nous faisons cela, mettre différentes parties de soi en rivalité ?
Qu’est ce qui fait que nous sommes, le plus souvent, « en guerre avec nos entrailles » ?
Très, trop souvent, nous nous vivons tiraillés par des sollicitations. Celles dont j’aimerais parler, sont celles qui logent au plus profond de nous-mêmes.
Elles utilisent les véhicules de la mémoire, de l’émotion. Regrets, envies, ce qui nous habite en lien avec ce que nous pensons non-fini en nous, (« Ah ! j’aurais dû… »).
Et tout ce qui vient de nos attentes insatisfaites, celles que nous considérons justes, ou celles que nous considérons comme des injustices qui nous sont faites. Il y a toutes ces circonstances où j’ai pensé que « l’autre », m’agressait. (Lui ai-je signalé que j’avais ce sentiment ?). Il y a ces circonstances où j’ai pensé ne pas être entendu, toutes ces circonstances, quelles qu’elles soient où je me suis senti insatisfait et où je trouvais l’origine de cette insatisfaction chez l’autre.
Il y a tous ces moments où je pense que « c’était bien, c’était mieux » et… C’est fini !
Chaque fois que je me sens tiraillé en moi-même, je suis absent du moment présent, de ce qui se passe réellement ; je suis dans le passé, où je suis dans le futur ; « la prochaine fois, je… ».
Et puis tous ces scénarios où je construis ce futur à partir de mes frustrations passées ? De mes « manque à être » …
Au cœur de mes tiraillements, j’ai la possibilité de m’arrêter, presqu’épuisé par cette guerre intérieure et observer ce qui se passe en moi.
C’est quoi ce charivari ? c’est quoi ce mouvement qui tire à hue et à dia ?
C’est quoi cette présence étouffante du doute qui empêche ?
Oui, mais qui empêche quoi ?
A bien y regarder, je pourrais bien me trouver face à cette situation où je constate que je ne sais pas où je désire aller.
Parce que si je deviens le conducteur de ma vie, je deviens de fait responsable de celle-ci.
Cela me rappelle une histoire que quelqu’un m’a raconté un jour :
« Je conduis une voiture dont je viens de faire le plein. J’ai de quoi faire presqu’un millier de kilomètres, mais…Pour aller où ? Le nord ? Le sud ? L’est, l’ouest ? Et si je décide d’aller vers le nord par exemple, Lille ? Hambourg ? Oslo ? Cap Nord ? Y a-t-il des stations-services pour refaire le plein ? Et je peux être ainsi tiraillé par de nombreuses questions qui n’ont pas de sens. Comme je ne peux décemment pas rester immobile, faire du sur-place, je peux, tourner autour de la station-service que je connais et passer le temps ainsi, dans la certitude que, si je n’ai presque plus d’essence, je sais parfaitement où en trouver ! »
Ce qui peut paraître absurde, à bien y regarder, pourrait bien être très proche de ce que l’on vit.
Alors, oui, il est possible, il est nécessaire de choisir, (si, si, choisir) une direction, une destination, et d’apprendre par l’expérience de la conduite et du déplacement dans cette direction que des stations-service, eh bien il y en a tout le long du chemin !
Pour résoudre un conflit, nous devons avoir l’idée de ce qui, en nous, fait unité. (Je suis…). C’est vraisemblablement un des premier point de la négociation, Nous devons choisir une direction en sachant qu’arrivé à Oslo par exemple, (pour y vivre quoi ? je peux décider d’aller ailleurs. Et surtout, nous devons avoir conscience de ce qui est : (quels sont les aspects de moi que je connais bien, sur lesquels je sais que je peux m’appuyer ?)
Une négociation bien menée, entre les différentes parties de soi, qui toutes ont le droit d’être présentes (puisqu’elles sont), se devra de respecter chacune de ces parties, de leur donner une place, et c’est ce positionnement qui m’apprendra à remettre du mouvement en moi, et de la certitude.
Si une situation requiert mes connaissances, ma force, la présence de l’homme ou de la femme que je suis, il n’est pas juste, vous en conviendrez, que je mette au premier plan de l’interaction l’enfant que j’étais, (le passé) qui ne pourra qu’éprouver de la peur ou de l’incompétence, ou le rêve de ce que je voudrais tant être (le futur), qui ne pourra être que non-crédible, sans fiabilité.
Négocier sera accepter que tous les aspects de ce qui me constitue ne peuvent toujours être satisfaits, en même temps.
Et juste là, il me vient ce début d’un texte bien connu, L’Ecclésiaste, « un temps pour tout »
« Il y a temps pour tout, et chaque chose sous le ciel a son heure : »
N’y aurait-il pas une direction à ce qui fait que nous pouvons être tiraillés au point de choisir par défaut l’immobilisme ?
Allons, En route ! A bientôt

